« Le bonheur se trouve en dehors du bonheur. »
" Et la pensée devient discriminante car le seul fait qu'elle induise et le rêve et l'acte la rend incapable d'être dans le moment. La pensée juge ; elle devient anonyme, ne retourne jamais en arrière et ne peut projeter le bonheur dans un moment amplifié. La félicité est insécable, inopinée, marginale. Et dès lors que l'esprit s'en saisit, il la rend bréhaigne. Le bonheur est une mort temporaire, comme l'extase. Un arrêt sur image. Une rencontre avec les dieux. Avec soi même.
" Et la pensée devient discriminante car le seul fait qu'elle induise et le rêve et l'acte la rend incapable d'être dans le moment. La pensée juge ; elle devient anonyme, ne retourne jamais en arrière et ne peut projeter le bonheur dans un moment amplifié. La félicité est insécable, inopinée, marginale. Et dès lors que l'esprit s'en saisit, il la rend bréhaigne. Le bonheur est une mort temporaire, comme l'extase. Un arrêt sur image. Une rencontre avec les dieux. Avec soi même.
Derrière la rétine. Le bonheur, c'est une pellicule impressionnée ; un mouvement saisi dans son amplitude, dans sa grâce, dans son harmonie : les arabesques du cygne à la surface du lac, la silhouette de l'oiseau palmipède, haut dans le ciel, pour mieux oublier le lent et pénible envol du lourd animal. Mais ce que l'esprit garde en mémoire, c'est bien la longue course épuisante de l'oiseau à la surface de l'eau, le cou tendu vers le ciel pour d'autres rivages ; ce décollage hésitant, dramatique ; ce ventre gros, ces pattes ridicules, ce cou imbécile : disproportion des formes, baudruche emmanchée, épave déséquilibrée sur la grève, laideur absurde de l'incongru qui effacent, en un seul coup d'éponge, l'instant unique où la trajectoire de l'oiseau se confond dans le firmament avec celle de la comète. Beauté insigne, suprême, pour un bonheur violent, immédiat. Comme ce regard d'amour, cet échange d'intuitions entre deux êtres qui prend au dépourvu le calcul des sexes parce que marqué de soudaineté. Comme cette tentation effarouchée qui se délite dès lors que les mains se touchent et que les peaux se joignent.
Comme ce cri
né de son propre regard et qu'étouffe la morale des couards.
Le bonheur est un répit dans la veille. L'intervalle entre deux négociations avec soi-même. Ou avec Dieu. C'est pareil ! Le bonheur ne se parlemente pas ; il se prend. Vite. Il est transverse. Il est lieu de l'écrit, il est écrit puisque rêve. Et que votre bonheur, Poète, demeure dans chaque mot, dans chaque phrase qu'ourlent votre imaginaire, votre angoisse, vos abandons et votre ennui."
Ph.Bidaine, Fernando Pessoa édition Marval 1990.
né de son propre regard et qu'étouffe la morale des couards.
Le bonheur est un répit dans la veille. L'intervalle entre deux négociations avec soi-même. Ou avec Dieu. C'est pareil ! Le bonheur ne se parlemente pas ; il se prend. Vite. Il est transverse. Il est lieu de l'écrit, il est écrit puisque rêve. Et que votre bonheur, Poète, demeure dans chaque mot, dans chaque phrase qu'ourlent votre imaginaire, votre angoisse, vos abandons et votre ennui."
Ph.Bidaine, Fernando Pessoa édition Marval 1990.
Photographies originales Versus.